Méditation Vipassana

 

Afin de développer une compréhension juste de la réalité, il est indispensable de s’entraîner à multiplier les instants de pleine attention en

évitant autant que possible les moments d’égarement. Car c’est en répétant ces instants d’attention aux objets perçus que nous pouvons en

approfondir notre Connaissance directe; ce qui bien entendu est parfaitement inaccessible par la connaissance théorique.

Pour développer cette vision directe (que nous appelons aussi vision intérieure), nous allons donc simplement porter toute notre attention sur les objets que nous percevons à travers nos six sens. Pour ce faire, nous nous consacrons entièrement mais seulement à deux types d’effort.

Ceux-là sont absolument minimes, puisqu’il s’agit de la forme d’action la plus passive qu’il soit possible d’imaginer.

La grande majorité des difficultés rencontrées à demeurer attentif est non pas due au fait que nous ne fournissons pas assez d’efforts, mais précisément au contraire que nous forçons trop, là où il est inutile de forcer. Nous avons facilement tendance à gaspiller beaucoup d’énergie parce que nous n’avons généralement pas l’habitude de demeurer complètement relâché, l’esprit tranquille, patient et vigilant, en se contentant seulement d’observer (mentalement, pas avec les yeux) tout ce qui passe : les perceptions qui apparaissent les unes après les autres à notre conscience, telles qu’elles apparaissent et à l’instant précis où elles apparaissent. Les deux types d’effort minime sont :

1) celui de concentrer toute son attention sur l’objet observé

2) celui de maintenir la vigilance, afin que l’établissement de l’attention puisse se répéter pendant toute la durée de l’objet observé.

Pour illustrer le processus de la vision directe (vipassana), voici un exemple : un chien (que nous ne voyons pas) aboie. Cet aboiement est avant tout un son et c’est cela qui nous intéresse. Nous nous moquons bien de savoir qu’il est provoqué par un chien. Cependant, il est probable que l’image d’un chien ou le mot « chien » nous traverse l’esprit.

Peu importe, laissons passer cela, qui n’est qu’un concept, et par conséquent hors réalité. Si nous suivons ce concept, nous allons nous perdre dans les pensées, nous ne serons donc plus attentifs aux objets expérimentés par la conscience.

Ce son (provoqué par l’aboiement) est un objet matériel existant sous la forme d’ondes véhiculées par l’air et venant frapper le tympan. C’est à cause de ce contact qu’apparaît la conscience auditive. Le son lui-même est un objet physique, tandis que la conscience qui en fait l’expérience est un objet mental. Dans ce cas, la vision directe sera effective si l’on donne son attention exclusivement à cet objet auditif, de sorte à permettre à la conscience observatrice de le connaître pleinement pour ce qu’il est réellement.

En clair, pour développer la vision directe sur un son, nous fixons toute notre attention sur cette sensation auditive, au moment où elle est perçue et pendant toute sa durée (sauf si elle devient difficilement perceptible). Ce processus de vision directe est le même avec les objets des autres sens.

Ainsi, nous pouvons constater que ce qui importe pour le développement de vipassana, c’est le simple acte de porter son attention sur ce qui est perçu, et en aucun cas l’adoption d’une posture particulière. Cependant, pour des raisons d’équilibre entre la concentration et l’énergie, nous verrons plus loin que notre entraînement au développement de la vision directe est une succession de sessions de marche et de sessions d’assise.

Méditation avec mantra

 Comment la méditation avec mantra marche-t-elle ?

 Les mantras sont très mystérieux. On dit que ce sont des « symboles sonores », des sons qui, d’une certaine manière, correspondent aux forces spirituelles que l’on peut représenter visuellement sous les traits de Tara, d’Avalokitésvara, etc., et les évoquent. Il est facile de voir que l’image d’un certain personnage peut avoir une valeur symbolique, mais attribuer cela à un son est plus difficile à expliquer de manière rationnelle. La meilleure façon de penser aux mantras est peut-être de les voir comme un croisement entre la poésie et l’incantation magique.

 

De nombreux mantras n’ont pas de véritable sens rationnel, même en sanskrit, et on ne peut donc pas les traduire comme on traduirait une phrase normale. Prenons le mantra de Tara, par exemple, Om tare tuttare ture svaha : il s’agit d’un jeu de sonorités sur les syllabes du nom Tara, lequel signifie « la salvatrice » ou « l’étoile » ou encore « celle qui conduit sur l’autre rive ». Mais cette phrase ne nous apprend rien sur Tara, elle ne nous donne que quelques sons assez évocateurs.

 

Les mantras contiennent souvent des syllabes comme OM, AH et HUM (prononcée « houng ») qui n’ont aucun sens précis. Il existe plusieurs « compréhensions » ou interprétations de ce qu’elles peuvent signifier. On les a notamment liées respectivement au corps, à la parole et à l’esprit, ou au Dharmakaya, au Sambhogakaya et au Nirmanakaya. Elles sont aussi liées aux Bouddhas du mandala, OM étant la syllabe germe de Vairochana, le Bouddha central, AH celle d’Amoghasiddhi, le Bouddha du Nord, et HUM celle d’Akshobya, le Bouddha de l’Est. De telles associations peuvent devenir significatives quand on est familiarisé avec le bouddhisme.

 

Dans les mantras, certains mots sont plus clairement associés à un sens. Le mot « mani » du mantra d’Avalokiteshvara, Om mani padme hum, signifie « joyau », tandis que « padme » signifie « lotus ». Ainsi ce mantra est parfois traduit par : « Salut au joyau au cœur du lotus », bien que la construction grammaticale soit assez obscure. Je conçois le mantra comme étant avant tout poétique et symbolique : ici le lotus symbolise la clarté de la sagesse tandis que le joyau symbolise à la fois la pureté et la compassion. Ainsi le mantra d’Avalokiteshvara rapproche la sagesse de la compassion et ces qualités sont présentes à l’esprit quand on le récite.

 

Mais essayer de comprendre les mantras intellectuellement est un peu comme décortiquer une histoire drôle : on peut le faire mais à la fin tout le sel de la plaisanterie aura disparu. Certains pensent que les mantras ont une « signification spirituelle » inhérente, ce qui signifie que, lorsqu’on psalmodie le mantra d’Avalokiteshvara, par exemple, on développe une connexion avec la compassion d’Avalokiteshvara même sans connaître le sens des mots du mantra (à supposer qu’ils en aient) ni rien connaître du bodhisattva lui-même. D’autres soutiennent qu’à force de psalmodier le mantra et de mieux connaître le bodhisattva qui y est attaché, on crée des associations avec le mantra. Ce qui est certain, c’est que l’on peut bénéficier d’un mantra sans rien savoir de sa signification.

 

En tant qu’objet de concentration, un mantra peut, comme tous les autres objets de concentration, aider à pacifier le mental. Quand on récite un mantra à voix haute ou intérieurement, le bavardage mental diminue. Même s’il reste un flot de pensées parallèle au mantra, la psalmodie crée un sentiment de continuité qui ne fera que grandir avec la pratique. Le mot « mantra » est considéré comme signifiant « ce qui protège l’esprit ».

 

Dans la méditation bouddhiste, de nombreuses choses peuvent être utilisées comme objets de concentration, comme « protecteurs de l’esprit ». Ainsi on porte son attention sur la respiration (anapanasati), sur les sensations provoquées par le contact des pieds avec le sol dans la méditation en marchant, sur les émotions dans la pratique du metta bhavana (développement de la bienveillance) et sur des images dans les exercices de visualisations. Les mantras sont des sons, des mots ou des phrases utilisés comme objets de concentration.

 

 Comment utilise-t-on la méditation avec mantra ?

 Les mantras peuvent être utilisés seuls ou faire partie d’une pratique de visualisation. Dans une pratique de visualisation classique, il se crée une communication entre la « déité » et le pratiquant, l’une apportant des bénédictions, des rayons de lumière ou même des paroles, et l’autre prononçant le mantra.

 

On utilise aussi les mantras comme « protecteurs de l’esprit » en marchant, en faisant la vaisselle ou même pendant la pratique de la méditation assise. Quand je voyage en avion, je psalmodie toujours un mantra (en silence) au décollage et à l’atterrissage. Souvent les bouddhistes comptent les mantras qu’ils récitent sur les perles d’un « mala ». L’action physique de glisser ses doigts sur les perles aide l’esprit à se concentrer. Traditionnellement le mala a 108 perles, nombre à signification mystique dans l’Inde ancienne. On peut le porter autour du cou pour y avoir accès facilement. Certains malas ont 21 perles et on les porte en bracelet. Mais il n’est pas indispensable d’avoir un mala pour répéter son mantra.

 

Pour méditer de manière formelle avec un mantra, en le répétant à voix haute ou en l’intériorisant, commencez par vous installer confortablement, le dos droit et prenez quelques minutes pour écouter votre respiration et observer l’apaisement progressif du mental. Vous pouvez ralentir la respiration en observant les mouvements de l’abdomen et en respirant plus profondément. Ceci contribuera à apaiser l’esprit, même s’il n’est pas nécessaire que l’esprit soit parfaitement calme pour commencer le mantra.

 

Si vous choisissez de dire votre mantra à voix haute, écoutez résonner le son des syllabes dans votre poitrine.

 

Avant chaque mantra, il est bon de prendre une profonde inspiration abdominale. Les mantras sont généralement plus beaux si vous prononcez tout le mantra en une seule expiration ; mais si vous n’y arrivez pas, faites comme vous le pouvez.

 

Laissez la dernière note du mantra s’allonger jusqu’à la première syllabe du suivant. Vous constaterez bientôt que le mantra se met en harmonie avec votre rythme respiratoire. Veillez à ce que ce soit le mantra qui suive votre respiration et non le contraire, sinon vous risquez d’être vite à bout de souffle.

 

Pendant la récitation, ne cherchez pas à vous souvenir du sens des paroles du mantra (même si elles en ont un !). Si vous connaissez le sens de certains des mots, vous allez faire des associations qui auront un impact sur votre esprit et leur signification s’approfondira au fur et à mesure que vous l’explorerez en dehors des temps de méditation.

 

Ne vous préoccupez pas de savoir si votre pratique est correcte ou pas. Peu importe si votre prononciation est approximative, c’est l’esprit qui compte.

 

Pour finir, diminuez progressivement le niveau sonore de votre voix jusqu’à ne plus le percevoir à l’extérieur mais seulement résonner à l’intérieur. Puis laissez également ce son intérieur être progressivement dissout dans le silence.

 

Restez assis quelques instants de plus, à l’écoute du silence encore résonnant, laissant le calme vibrant rafraîchir votre esprit et vos émotions.

 

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